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18/05/2009

Internet est une chance pour la France

Interview de Giuseppe De Martino, Président de l'ASIC[1].

 

Par Emmanuel Naudin et Eric Vandewalle, Réflexions & Stratégies

 

 

D’origine italienne, Giuseppe De Martino reçoit une formation de juriste en propriété intellectuelle à Assas et à la Sorbonne et débute sa carrière à Rome dans un cabinet d’avocats sur la chaîne des droits (cinéma). Ensuite, il va vivre une expérience intellectuelle unique à travers Skyrock puis Arte en 1994 en tant que responsable de la production et de l’édition vidéo et papier dans un premier temps ; internet en 1995.

En 1999, Giuseppe De Martino est appelé à la direction juridique d’AOL France où il travaille sur la « règle de droit ». En effet, la nouvelle génération de médias bouscule le carcan de règles définies dans l’univers du cinéma, de la radio et de la télévision. Internet n’est pas une zone de non-droit mais une zone soumise à de nombreuses règles ; la problématique est de savoir choisir la bonne. Par ailleurs, Giuseppe De Martino est président de l’AFA[2] de 2004 à 2007 et travaille par exemple sur la protection de l’enfance et des données ; il a mis en place un mécanisme d’« approche graduée » avec l’industrie du cinéma.

Suite à la fusion AOL et Time Warner, la stratégie du groupe Time Warner Inc. devient opaque et Giuseppe De Martino décide de quitter AOL en 2007 pour rejoindre Dailymotion qui a besoin d’un nouveau management ; il occupe le poste de Directeur juridique et réglementaire.

L'Acsel défend les intérêts des marchands, le Geste ceux des éditeurs, et l'AFA ceux des FAI. Afin de défendre les intérêts des acteurs pure players[3] de l’internet, il crée l’ASIC en 2007 et la co-préside avec Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de Price Minister.

 

 

Parlez-nous de la composition et des objectifs de l’ASIC

 

A l’origine, l’ASIC est composée de Dailymotion, Price Minister et Google. Nous avons été rejoints ensuite par Yahoo, AOL et nous sommes une quinzaine de membres aujourd’hui. eBay devrait rejoindre rapidement.

L’élément déclencheur de cette association fut l’histoire 9-Cegetel qui a bloqué la diffusion du site Dailymotion. Pour cela, nous (Dailymotion) avons mis un message sur le site, indiquant d’appeler la hotline de 9-Cegetel qui sauta rapidement sous le nombre d’appels. Ce fut une première publique en Europe.

L’ASIC est basée sur le principe de la Net Neutrality qui rejoint le principe d’Internet ouvert mis en avant par Google. Les fournisseurs de « tuyaux » ont pour mission de donner la meilleure qualité de service pour les fournisseurs de contenu.

Didier Lombard a dit un jour : « Pourquoi les Cadillac roulent elles sur les autoroutes françaises ? ».

Je pense qu’Internet est une véritable chance pour la France.

Nous sommes au service des intérêts des communautés.

 

 

Commente percevez-vous l’évolution des comportements avec le Web 2.0 ?

 

Tout d’abord, il y a un changement de comportement de l’internaute qui devient actif. L’utilisateur a une liberté d’agir et on constate un éparpillement de l’audience. Comme Martin[4] vous l’a dit, 5 millions de vidéos sont vus sur les 10 millions en ligne chez Dailymotion.

Et ensuite, on aperçoit une évolution des modes et des tendances, amplifiée par la facilité d’échanger avec des internautes. Par exemple, sur Dailymotion, nous avons vu naître des phénomènes comme la Tektonic, le Booty Shaking, ou le concours de la descente de Pastis. On n’imaginait pas que nos services permettraient de tels usages ! Dans ce cas, le Web 2.0 met à disposition des technologies pour développer la créativité sans notion de création de valeur. Pour certaines, ces évolutions sont de vraies révolutions d’usage du service. En politique, Dailymotion est utilisé pour des débats entre partis.

Enfin, plus qu’un rôle de producteur ou prescripteur, le Web 2.0 est un agrégateur, il permet de rassembler les niches. La multitude des contenus et interactions proposés de l’offre produit du volume donc le succès. La multitude est la part de rêve, et l’offre est la force. On peut facilement comparer ces offres du Web 2.0 à celle de Canal Satellite qui fédère de nombreuses niches d’utilisateurs autour d’une offre à large choix.

Pour information, sur Dailymotion toutes les catégories : les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, … sont des utilisateurs ; par contre, les producteurs sont en majorité les jeunes hommes.

 

 

Quelle est la position de l’ASIC sur la législation des services Web 2.0 ?

 

Nous faisons face à deux syndromes en France.

Premièrement, nous avons le syndrome d’Astérix : on veut imposer nos solutions françaises (locales) comme globales. Contrairement à de nombreux pays, l’état français a la volonté de maîtriser le Web. Par exemple, l’ASIC combat le projet de taxation des services Internet, et la régulation des programmes avec le CSA. L’ASIC n’existe qu’en France car c’est le seul pays où le besoin de défense des services Internet s’est fait ressentir !

Deuxièmement, nous avons le syndrome de Poulidor : on n’aime pas le succès et on met des bâtons dans les roues de ceux qui réussissent. Devant le succès de Price Minister et Dailymotion, l’ASIC combat ce syndrome et montre encore une fois l’Internet comme une chance de développement pour la France. Malheureusement, ce n’est pas une priorité pour le gouvernement. Pas d’aides publiques ni de remerciements mais que des taxations ! On demande à l’Internet de financer la télévision publique !

Pour se rendre compte de la différence d’intérêt, nous voyons les Etats-Unis avec Barack Obama qui diffuse de nombreuses propositions sur Internet, et la France avec Patrick Devedjian propose une mesure, celle d’équiper les TGV de WiFi..

 

 

Que sont les actions de l’ASIC dans ce contexte ?

 

Nous faisons de la pédagogie, nous expliquons le numérique.

L’argument du gouvernement pour justifier de sa volonté de contrôle et taxation est que l’arrêt de la publicité sur la télévision provoque une migration des investisseurs publicitaires vers l’Internet. C’est faux, les investisseurs économisent !

L’ASIC représente 3 000 salariés, c’est peu à l’échelle de la France mais certains chantages sont écoutés. Par exemple, nous avons menacé de déménager à l’étranger. Le gouvernement a été sensible à l’image que cela renverrait, celle d’un frein au développement.

Néanmoins, l’ASIC a d’excellents rapports avec certains élus. Nous apprécions particulièrement Eric Besson et nous sommes tristes de son départ du secrétariat d’Etat au développement numérique. L’ASIC a même proposé quelques noms à ce poste, comme Bruno Retaillau, mais De Villiers refusa. Nathalie Kosciusko-Morizet fut choisie par défaut à ce ministère.

 

 

Qui, en politique, souhaiteriez vous voir pour le développement du numérique ? Et quelles mesures souhaiteriez-vous voir prises ?

 

Nous verrions bien Thierry Soler (UMP) qui a une grande maîtrise du sujet des nouvelles technologies. Egalement, Emmanuel Gabla du CSA.

L’ASIC est en réactif plus qu’en prospective. Nous poursuivons sur la position d’Eric Besson au niveau du gouvernement et du Président de la République. Le Premier Ministre est très intéressé par ce sujet (ndlr : loi Fillon) mais il n’a plus le temps de s’y investir.

Encore une fois, Internet ne doit pas être vu comme une vache à lait mais comme une chance, le gouvernement doit la saisir ! Aux Etats-Unis, Barack Obama l’a compris et voit Internet comme un vrai relais de croissance.

 



[1] Association des Services Internet Communautaires

[2] Association des Fournisseurs d’Accès Internet

[3] Acteurs de l’internet qui utilisent les infrastructures pour diffuser des contenus et interagir avec les internautes

[4] Martin Rogard : Directeur France de Dailymotion